Vous reprendrez bien une dose de “lâcher-prise” ?
Allons, on nous le sert à toutes les sauces, ce foutu lâcher-prise. Votre collègue pourrit vos journées ? Lâchez-prise. Votre enfant est en échec scolaire ? Lâchez-prise. Vous êtes contrarié.e car on a embarqué votre voiture à la fourrière ? Lâchez-prise.
Le lâcher-prise semble être la recette magique de tous les problèmes de la vie.
Y’a qu’à.
Mais quand on y regarde bien, ne serait-ce pas un peu charger la barque avec une nouvelle exigence quand la vie est déjà compliquée ? Est-ce aussi simple que cela ? Comme s’il suffisait d’actionner un bouton pour que hop ! magie ! Ça démarre ! On lâche prise et on va de l’avant ! Et attention : si vous n’arrivez pas à “lâcher-prise”, c’est que vous n’y avez pas mis assez de volonté ou que vous vous y prenez mal !
Le contrôle du lâcher-prise (sic !)
Bon, sur le principe, je suis d’accord. Il est bien clair que la résistance et la lutte ont pour seul effet de rendre les choses encore plus difficiles.
Mais je trouve cette injonction finalement assez incompréhensible. Le lâcher-prise est devenu comme un objectif ultime à atteindre : il FAUT lâcher-prise pour ENFIN être bien. Le contrôle du lâcher-prise, vous voyez l’idée (et le paradoxe) ? Pire : on prescrit du “lâcher-prise” tout en continuant à faire l’apologie de la performance, de la compétition… !
Notre cerveau doit se retrouver bien perplexe : pour retrouver une forme de sérénité, on nous assomme avec des « il faut lâcher-prise » à tout bout de champ… qui s’avèrent finalement décourageants, culpabilisants et épuisants…!!!! On reste toujours dans le registre de la lutte. On fait du lâcher-prise un nouveau dogme.
Je ne suis évidemment pas une énervée du bocal qui va vous faire l’apologie du stress ou de l’agitation. Mais lorsqu’une proposition devient une tendance dominante et s’impose comme une règle de vie, elle produit des effets pervers. L’injonction au lâcher-prise crée une forme d’évitement de l’émotion. Qui crée alors elle-même des comportements contre productifs. Pendant que vous luttez ainsi, cette énergie «gaspillée» vous éloigne de ce qui est vraiment important pour vous et de vos valeurs. Il y a des moments où le calme (inhérent au lâcher-prise) est précieux, régénérant, et d’autres fois où il n’est tout simplement pas possible. Et vouloir atteindre un état “de lâcher-prise” sans y parvenir ou vouloir le conserver est juste générateur d’angoisse et d’auto dévalorisation.
Or (scoop !) : si la volonté est éventuellement le gouvernail de la vie (et c’est déjà pas mal), elle ne saurait, sauf à nous épuiser, être le moteur d’une existence.
Mais on lâche pour quoi alors ?
Là vous vous dites : “t’es gentille Dorianne, mais comment quitter l’hyper contrôle qui fait tant souffrir ?” Bah déjà en commençant par ne pas se répéter (ou asséner aux autres) : “tu dois lâcher-prise, fais confiance à la vie! “.
S’accorder des pauses, ralentir la cadence, prendre du temps pour soi est indispensable.
Mais il ne s’agit pas non plus de tomber dans l’excès inverse.
Celui où on idéalise le calme, où on espère atteindre un état qui nous permettrait de nous délester de notre culpabilité de perfectionnisme ou d’hyper contrôle. A la place, vous pourriez accepter vos limites, vos failles, et porter votre conscience sur ce que votre énergie génère de positif pour vous et autour de vous.
Car, selon moi, c’est là l’enjeu : ne pas forcer votre nature en essayant d’entrer dans des moules. Vous avez des coups de mou ? Vous êtes irritable ? Vous avez envie de crier ? Félicitations ! Vous êtes humain !
L’humain est physiologiquement et psychiquement intranquille. Nous abritons tous en nous des pulsions, des conflits. Comment lâcher-prise sur tous ces aspects que vous ne maitrisez pas ?
Alors, autant les accepter, les accueillir. Sans évitement ni refoulement. Cela ne signifie pas se résigner face aux moments douloureux ou s’auto-flageller avec vos pensées douloureuses, vos frustrations, vos contrariétés. Mais c’est être présent.e, accepter de s’exposer, être secoué.e, bousculé.e.
L’acceptation (d’être soi-même)
Alors, oui, c’est inconfortable. Mais cela vous donne une chance de sortir de vos conditionnements et de changer en profondeur. L’acceptation ne cherche pas à modifier l’expérience indésirable mais à changer votre rapport à celle-ci. Car vous n’êtes pas responsable de ce qui vous arrive, mais vous avez la main sur la manière dont vous vivez les évènements.
Oui, oui et oui : accepter ses ressentis et ses émotions, c’est compliqué. Mais c’est une compétence qui peut s’acquérir. C’est un apprentissage qui passe par un entraînement, des exercices et la pratique.
Il y a des discours qui paralysent.
Il y a aussi des gestes qui pansent, qui aident, qui soutiennent et donnent l’audace de sauter dans la confiance.
Alors, arrêtez de vouloir vous changer pour répondre à ce “lâcher-prise”. Ce n’est pas baisser les bras. C’est même extrêmement courageux que de se dire ” je m’accepte et je vois le positif dans mon caractère au lieu de me rabaisser “.
Car, finalement, est-ce que le vrai lâcher-prise ne serait pas plutôt d’accepter d’être qui vous êtes ?